L’enlèvement

Ou comment la grand-mère Chinoise prime sur la mère Française.

Je pense que je devais avoir 5, 6 ou 7 ans, quand mon père et ma grand-mère décidèrent que mon frère et moi, nous devions être éduqués par notre grand-mère, pas en France non, mais à Taïwan. J’étais trop petite pour me souvenir de quoi que ce soit et seul ce que ma mère m’a dit m’a aiguillé un peu sur la situation. Ma grand-mère aurait donc décidé que mon petit frère, alors âgé de 1 an ou 2, devait suivre ma grand-mère à Taïwan pour qu’il y apprenne le chinois déjà, et fasse un bout de son éducation. Ma mère étant opposée à voir partir ses 2 enfants, posa le veto pour mon voyage. Ben oui, elle avait quand même le droit d’en éduquer un, enfant, et surtout enlever à une mère ses enfants, non mais franchement dans quel monde vivaient-ils dans ma famille chinoise!

Donc ce n’était pas un vrai enlèvement car elle l’a bien retrouvé son fils, mais quand il est revenu vers ses 3 ou 4 ans, il ne parlait pas un mot de français, et pour une mère qui essaye de parler à son enfant et que rien ne passe à cause de la barrière de la langue!, ça peut rendre triste.

Mon frère a ensuite été élevé par la grand-mère donc, à quelques rues de chez nous, dans son appartement, pendant 2-3 ans je crois. Là encore, ma mère étant soumise de par sa solitude, son incompréhension et son manque d’entourage, n’a rien pu faire. Je ne saurais jamais ce qui a pu passer par sa tête et comment a-t-elle surmonté tout ça, mais à cause de cette situation, elle m’a énormément chouchouté, et m’a passé mes futures bêtises. Mon frère est entré en classe d’adaptation pour apprendre le français, sa langue maternelle au final…

J’en ai parlé avec lui il y à plusieurs années, car il reprochait tout le temps à ma mère de me chouchouter et que je sois sa préférée. Étant donné que c’est notre grand-mère qui a eu la primeur de ses balbutiements, il a inconsciemment associé l’amour de celle-ci à celui d’une mère. Je ne voulais pas voir le fait que ma mère me préférait peut-être, mais nous sommes humains, et l’attachement plus fort envers moi s’est fait malgré elle, elle n’a pas eu d’autre choix que de porter tout son amour sur moi. Cela a créé un déséquilibre de plus. Elle a fonctionné de telle manière qu’elle m’a caché des choses d’adulte, afin de ne pas me peiner ni me pervertir. Son cancer du sein par exemple, vers ses 40 ans, qui a commencé en kyste et dont tout le monde était au courant sauf moi. Mais j’y reviendrai plus tard.

Pour en revenir à « l’enlèvement » comme j’aime à l’appeler, cela a aussi créé un gouffre entre mon frère et moi. Nous avons eu du mal à nous comprendre pendant tellement d’années, nous les avons passé à nous bagarrer, aussi verbalement que physiquement, les insultes fusaient ainsi que les prises de catch, et quand il avait le malheur de se plaindre auprès de mon père, et que c’est lui qui avait commencé la bagarre, c’est moi qui prenait; non pas parce que je suis l’ainée et donc plus mature, même à 10 ans, mais parce que je suis plus grande et plus grosse que lui et « qu’un éléphant ne s’attaque pas à une fourmi ». Merci papa, grâce à toi je me suis toujours sentie grosse et moche et minable et comme tu ne m’as pas fourni le mode d’emploi pour me défendre, verbalement des attaques, je suis restée grosse parce que pendant des années tu m’as fait me sentir comme une merde et quand t’es un gosse, tu n’as pas la compréhension nécessaire pour te défendre quand les autres enfants et plus tard, camarades de classe te traitent de grosse, et puis tu sais papa, si tu dis à ton môme pendant des années qu’il est un éléphant, et bien il ne va pas se sentir aimé et il aura dû mal à aimer en retour, et surtout il va reproduire. Alors non je ne parle pas forcément de ME reproduire, mais je parle du système d’auto-sabotage que je pratique depuis toujours, à savoir repousser les rares garçons et plus tard hommes qui me montreraient de l’intérêt, parce que tu sais papa, grâce à toi, je ne me suis jamais sentie jolie, je n’aime pas les hommes et j’en suis carrément méfiante.

M’enfin je me suis égarée…

Hasta la vista.

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